Copyright

Le système actuel du Copyright/droit d’auteur s’inscrit en opposition avec les opportunités que nous offre les nouvelles technologies. Jusqu’à présent le système des droits d’auteur/Copyright était construit sur le contrôle du contenu (l’œuvre) par l’intermédiaire du contenant (le support). Ce système, en plus d’être efficace, était justifié par la nature même du support, analogique, physique.

S’approprier un support matériel sans l’accord de son propriétaire est du vol. S’approprier l’œuvre de quelqu’un d’autre, sans le désapproprier de rien, pour enrichir sa culture, son savoir, ou son œuvre, doit être considéré comme quelque chose de sensiblement différent, sous certaines limites bien sur.

« Celui qui reçoit de moi une idée n’amoindrit pas celle que je possède, à l’instar de la personne qui, allumant sa chandelle à la mienne, acquiert de la lumière sans m’en priver. » Thomas Jefferson, Lettre à Isaac Mcpherson, Monticelle, 13 août 1813.

Tous les plus grands courants artistiques ne se sont-ils pas construits sur un partage de valeurs communes ? Qui pourrait distinguer deux peintres cubistes sans les avoir étudiés auparavant ? Qui prétendrait qu’ils ne se sont pas mutuellement inspirés, voir parfois copiés ? Les exemples
sont nombreux.

Les courants artistiques se sont construits en réaction les uns aux autres, en fusionnant différentes inspirations, en remixant différentes Oeuvres et Courants. Maintenant que nous pouvons partager le contenu, sans déposséder quiconque du contenant, du support, un tel verrouillage de l’accès aux œuvres est infondé.

Sous couvert de protéger la culture, les lobbys de l’industrie culturelle font pression pour verrouiller leur contrôle sur les œuvres dont ils possèdent les droits, dans l’unique but de protéger leurs rentes (Cf. Jérôme Huet, « Le beurre et l’argent du beurre », Recueil Dalloz 2009 p. 2939.)

La culture du XXème et  du XXIème siècle, notre culture, nous est donc interdite d’accès et d’utilisation, à moins de payer le prix fort, un chèque ou une amende, à vous de choisir.

Nos sociétés occidentales se disent démocratiques, défenderesses de valeurs comme la liberté, l’égalité, le partage, à l’image de plusieurs grands textes fondateurs des Etats occidentaux, défendant vigoureusement le droit à la liberté , et notamment le droit à la liberté d’expression .

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Ces textes sont bafoués par des législations de plus en plus oppressantes . D’autant plus bafoués, que jamais autant de citoyens n’ont été mis en situation de hors-la-loi. Attention, vous êtes surement vous aussi un Voleur, un Pirate ! Internet cristallise les peurs (dixit Vincent Gautrais) sur l’atteinte à la vie privée, sur les risques de piratage, etc. La navigation sur Internet est rendue bien plus dangereuse par ces lois sur le droit d’auteur/ Copyright.

Internet est l’outil idéal pour un partage des idées à travers le monde, un lieu ou la créativité n’a jamais été aussi féconde, faisons en sorte que cela le reste. Si les scientifiques (du physicien au juriste) ont le droit de s’approprier des œuvres antérieures pour développer et appuyer leurs propres idées, à quel titre les Artistes n’en auraient-ils plus le droit ?

Albert Einstein aurait prétendument dit: « Le secret de la créativité, c’est de savoir cacher ses sources. »

L’antagonisme de la créativité se révèle ici. Nous pourrions le résumer par deux axiomes:
– Etre créatif, s’est proposer quelque chose d’original, de nouveau; du neuf.
– Etre créatif s’est s’inspirer d’une multitude d’Informations, de Savoirs, de Cultures; de l’ancien.

Cette contradiction se retrouve également dans la définition d’une œuvre originale ou d’originalité. Est original une œuvre:  » Qui est le résultat d’une création; qui porte la marque de la personnalité de son auteur; qui est nouveau au moins par cette empreinte sinon objectivement. « . (Nos soulignements).

Il existe deux types d’œuvre originale:
– La première est objectivement original, c’est à dire semblant n’être issue de rien (si cela existe).
– La seconde est subjectivement original. Elle est original par le fruit du travail de son auteur, sa distinction avec toute œuvre antérieure se caractérise par l’empreinte personnelle de son créateur.
A l’heure actuelle, créer une œuvre originale subjective, sans l’accord des ayants droits des œuvres sources d’inspirations, relève de l’acte criminel ! L’industrie culturelle a mise de côté la notion d’original subjectif, tout comme elle a oublié ce qui justifiait jusqu’ici, l’existence des droits d’auteurs et du Copyright. Pour le premier la protection des artistes et l’accès aux œuvres, pour le second la protection du bien commun.

Je finirais en  citant le Professeur Etiemble, dont les propos sont repris par Jean-François Revel et dont j’ai eu la connaissance grâce à la culture de mon confrère Alexandre Abotsis!

« La plupart des gens, au lieu de commencer une phrase en disant je pense que devrait dire je répète que. » (René Etiemble, Cours à la Sorbonne sur le mythe de Rimbaud en Russie, 1964, cité par Jean-François Revel, Le Voleur dans la maison vide. Mémoires, Plon, 1997, p. 271.)

Gilles de Saint-Exupéry