Piratage, musique et internet : la solution se trouve-t-elle dans le modèle américain ?

1 Professeur, Faculté de droit, Université de Sherbrooke.

Résumé

L’échange de fichiers musicaux par Internet permet de faire très exactement ce que toute loi sur le droit d’auteur cherche à interdire : priver de leurs droits les compositeurs, interprètes et agents de distribution des œuvres musicales. Pour l’industrie du disque, le défi est à la fois d’ordre juridique et d’ordre technique. Les lois actuelles sur le droit d’auteur suffiront-elles d’une part à protéger ses intérêts, et dans le cas où les tribunaux acquiesceraient à ses nombreuses demandes, lui faudra-t-il d’autre part tenter de mettre un frein aux progrès technologiques grâce auxquels les internautes peuvent télécharger massivement et en toute impunité leurs pièces musicales préférées?
La jurisprudence américaine montre bien que dans les cas où on a cherché aux États-Unis à se servir de la loi sur le droit d’auteur pour bloquer l’utilisation d’une technologie innovatrice, les tribunaux, pour des motifs politiques et juridiques, n’ont fait preuve d’aucune sympathie pour les titulaires de droits d’auteur. En fait, lorsque les tribunaux ont cherché à trop restreindre l’utilisation d’un nouveau mode de dissémination des œuvres, le Congrès est intervenu pour rétablir l’équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs de cette technologie.
Au Canada, le droit protège très bien les compositeurs et les interprètes, mais beaucoup moins bien les compagnies de disques. En ce moment, la loi canadienne sur le droit d’auteur accorde à ces dernières un droit d’auteur limité sur leurs produits. Elles peuvent multiplier les exemplaires d’un disque, et le « reproduire sur un support matériel quelconque ». C’est ici que naissent les difficultés : les compagnies productrices de disques n’ont pas un droit clairement identifié à l’égard d’une « représentation » de l’œuvre musicale ou d’une « exécution publique » ou d’une « transmission au public par télécommunication ». Le Parlement canadien aura des choix importants à faire.

English

The trade of musical files through the Internet makes it possible to do exactly what every law concerning copyright tries to forbid: the violation of composers’, singers’ and distributors’ rights.
For the record industry, the challenge is therefore not only judicial, but also technical. Will actual copyright laws be enough to protect its interests; and if the courts do give in to their demands, will they then have to try to stop the technical evolution which now permits users to download millions of their favorite songs without any repercussion?
The history of American caselaw shows us that in almost every circumstance where the Recording Industry has tried to use copyright laws to stop the birth of new technologies, judges have been far from sympathetic to their cause. In fact, in the few instances where courts have been open to copyright holder’s arguments regarding new technologies, Congress has stepped in to reestablish the equilibrium which exists between the interest of the public and that of the copyright holders.
In Canada, the law protects authors and performers very well, but record companies seem to be left behind. Our present copyright law only gives the later a limited copyright on their products: They can multiply the copies of a record or reproduce it on another support. This is where difficulties lie: record companies do not have a clearly established right to perform the work or any substantial part of it or to communicate it the public by telecommunication.

Citation recommandée

René Pépin, « Piratage, musique et internet : la solution se trouve-t-elle dans le modèle américain ? », (2002) 7-2 Lex Electronica. En ligne : https://www.lex-electronica.org/s/1106.
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